Le Monde l'époque
enquête
...Un pied à la campagne
Certains rêvaient d'installer la ville à la campagne. Eux se partagent entre l'une et l'autre dans leurs deux habitations. Une birésidentialité inspirante, qui nécessite une organisation domestique bien rodée
Dans LesNuits de la pleine lune (1984), la jeune Louise, qui veut garder à la fois son amoureux à Marne-la-Vallée et sa vie nocturne à Paris, décide d'habiter un peu d'un côté et un peu de l'autre, et finit par tout perdre. Le film d'Eric Rohmer se voulait une illustration d'un adage inventé par le réalisateur : « Qui a deux maisons perd sa raison. »
Il semble que le vent a tourné. C'est justement pour garder la raison que certains décident aujourd'hui de vivre dans deux maisons. Accablés par un an de pandémie mondiale, beaucoup d'urbains ont rêvé de s'échapper. Certains, parmi les plus chanceux, ont réussi à le faire. Dès l'annonce, le 16 mars 2020, du premier confinement, un million de Franciliens ont quitté la région capitale pour s'établir en campagne. Mais beaucoup de ces candidats au départ, qui ont pris goût à l'ubiquité, ne peuvent ou ne veulent plus couper les ponts avec la vie citadine, et s'installent dans une routine, un pied en ville et un pied au vert, dans une résidence de moins en moins secondaire. On les appelle les « bi-résidentiels .
« Beaucoup d'anciens collègues de mon mari ont, une fois retraités, vendu leur logement parisien pour aller vivre dans le Sud où ils s'ennuient. Pas nous ! », revendique Sabine (prénom d'emprunt), 68 ans, avocate aujourd'hui à la retraite, qui, avec son mari, 73 ans, ancien expert-comptable, possède, depuis une trentaine d'années, une maison de vacances près de Quimper, au bord de la mer. « C'est à l'occasion du deuxième confinement d'octobre 2020 que nous avons fait l'inversion entre principal et secondaire, vingt jours par mois en Bretagne, dix jours à Paris dans notre appartement... du quartier Montparnasse, comme de bons Bretons.
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